Dans le monde d'aujourd'hui, Henri Lefebvre est devenu un sujet d'une grande importance et d'un grand intérêt pour une grande variété d'individus et d'organisations. De son impact sur la société à ses implications sur l’économie, Henri Lefebvre a retenu l’attention des experts et des gens ordinaires. Dans cet article, nous explorerons les différents aspects liés à Henri Lefebvre, de son évolution dans le temps à son influence sur le monde d'aujourd'hui. Grâce à une analyse approfondie, nous chercherons à mieux comprendre l'importance de Henri Lefebvre et comment il façonne notre présent et notre avenir.
Influencé par sa mère fortement catholique, Henri Lefebvre envisage la prêtrise avant de rompre avec la religion pour se tourner vers la philosophie, grâce à l'enseignement de Maurice Blondel à Aix-en-Provence. Il monte à Paris en 1919 et étudie la philosophie à la Sorbonne. Au cours de ses études, il rencontre quelques étudiants, Pierre Morhange, Norbert Guterman, Georges Politzer auxquels il se joint en 1924 pour animer un groupe nommé Philosophies, qui est aussi le nom de la revue qu'ils publient. Ce groupe se lance dans l'action politique en liaison avec le groupe surréaliste et la revue Clarté. Le groupe Philosophies évolue, selon Lefebvredu culte de l'« Esprit » au matérialisme dialectique.
Comme plusieurs autres membres du groupe, Henri Lefebvre adhère au Parti communiste en 1928-1929. N'ayant pas l'agrégation, il doit faire plusieurs petits métiers puis obtient un poste de professeur à Privas (Ardèche) où il anime la cellule communiste locale. Menacé de révocation à la suite d'une manifestation contre le politicien André Tardieu, il est déplacé d'office en 1931 à Montargis (Loiret), où il enseigne jusqu'à la guerre.
En 1935, il y est élu conseiller municipal sur une liste (minoritaire) d'unité antifasciste. Après un passage à Saint-Étienne, il est révoqué de l'enseignement par le gouvernement de Vichy en .
Il rejoint la Résistance, ayant rang de capitaine FFI. Plusieurs de ses livres finirent sur la liste Otto.
De 1944 à 1947, il est le directeur de la station de Toulouse de la Radio-diffusion française (RDF). Dès les années 1930, il commence à publier des ouvrages sur sa conception du marxisme, seul ou en collaboration avec Norbert Guterman.
De la philosophie à la sociologie, un des « maîtres à penser » d'une génération
En 1947, il réintègre l'enseignement à Toulouse. L'année suivante, sous les auspices de Georges Gurvitch, il entre au CNRS pour des études de sociologie rurale, domaine dans lequel il soutient ses thèses de doctorat en 1954.
Il est alors une des figures de proue des philosophes communistes. Il fait partie du Comité de rédaction de la « revue du matérialisme militant », La Nouvelle Critique, de sa création en 1948 jusqu'en 1957. Mais son évolution au cours des années 1950 concernant la théorie marxiste, en particulier son rejet sans concession du stalinisme accentué à partir du rapport Khrouchtchev, lui vaut d’être suspendu du PCF en 1958, suspension qu'il transforme librement en exclusion.
En 1962, il devient professeur de sociologie à l'Université de Strasbourg, où il est en lien avec les militants de l' internationale situationiste, puis il part diriger le département de sociologie de l'Université de Paris X-Nanterre à partir de 1965, lors de la fondation de cette nouvelle université. Avec ses assistants Jean Baudrillard, René Lourau et Henri Raymond, il donne des cours centrés sur le marxisme et l’aliénation politique, et influence directement les étudiants qui initient le mouvement de Mai 68, puis livre une analyse à chaud des événements. En 1972 il déplore l’échec des sciences dites sciences sociales et s’oppose à plusieurs biologistes dont Edgar Morin, Jacques Monod, François Jacob, Laborit, Konrad Lorenz et Edward Hall. Face aux problématiques de la ville, le recours au biologisme lui semble une régression. Il invoque comme issue la révolution urbaine.
Certains savants ressemblent aux politiciens qui rêvent d’une croissance sans limites, indéfinie. Et qui sacrifieraient les gens à cette extension illimitée !
Il finit son parcours à l'Institut d'urbanisme de Paris en 1973. Après 1978, il se rapproche du Parti communiste et en 1982 est l'un des signataires de « L'appel des Cent » contre la course aux armements et pour la paix.
Dans son hommage, le magazine Radical Philosophy écrit :
« Le plus prolifique des intellectuels marxistes français, est décédé dans la nuit du 28 au , peu après son 90e anniversaire. Pendant sa longue carrière, son travail a été plusieurs fois à la mode ou non suivant les périodes, et a influencé non seulement le développement de la philosophie, mais aussi celui de la sociologie, de la géographie, des sciences politiques et de la critique littéraire. »
L'année 2009, pour la première fois depuis sa mort, a vu plusieurs livres paraître sur ce philosophe.
Il fait l'objet de la première partie de la saison 11 de Contre-Histoire de la philosophie, "l'autre pensée 68", de Michel Onfray, diffusée en juillet - sur France Culture.
Œuvres
Ses travaux sont influencés par la lecture du Capital, ainsi que des Fondements de la critique de l’économie politique de Karl Marx, à partir desquels il mettra au point une méthode d'interprétation des faits sociaux,. Il fait partie des premiers intellectuels qui dans les années 1930 s'efforcent de répandre la connaissance du marxisme : il publie ainsi en 1934 Morceaux choisis de Karl Marx, en 1938 avec Norbert GutermanMorceaux choisis de Hegel et ensemble traduisent les Cahiers de Lénine sur la dialectique de Hegel.
Critique de la vie quotidienne
Dans son élaboration du « matérialisme dialectique », l'individu et la praxis concrète occupent une place centrale. Proposant une anthropologie sociale alternative, Henri Lefebvre a soutenu la nécessité que la quotidienneté s'affranchisse de son rôle déterminé par le capitalisme, qui reproduit les caractères imposés à la vie collective par les classes dominantes.
L'habitude, avec sa temporalité inauthentique parce qu'anhistorique, ne ferait rien d'autre que de reproduire et de perpétuer les rapports de domination. La quotidienneté est une sorte de dépôt souterrain dans lequel se sédimentent les conventions et les mensonges du pouvoir. Là, se trouve la barrière qui empêche à la fantaisie et l'inventivité de trouver les voies pour une propre expression autonome.
C'est la raison pour laquelle, Henri Lefebvre accorde son privilège à l'art. L'art est ici compris comme moyen d'une expérience esthétique capable de démontrer le caractère infondé de la conventionnalité des modes de vie quotidiens. Ainsi, l'art moderne pose les conditions de la suppression de la quotidienneté. Ces théories se réfèrent à l'expérience et aux réflexions du mouvement surréaliste, auquel Lefebvre appartenait dans sa jeunesse. La trilogie « Critique de la vie quotidienne » (1947, 1961, 1981) présente de manière très approfondie cette pensée.
La critique de la vie quotidienne est une des inspirations de l'Internationale situationniste, elle a eu une influence après Mai 1968. On a vu également, à ce sujet, Lefebvre dialoguer avec Michel Clouscard comme le rappelle un livre récent
Critique de la vie quotidienne, 1947, Grasset.
Critique de la vie quotidienne II, Fondements d'une sociologie de la quotidienneté, 1961, L'Arche
Critique de la vie quotidienne, III. De la modernité au modernisme (Pour une métaphilosophie du quotidien), 1981, L'Arche
La Vie quotidienne dans le monde moderne, 1968, Gallimard
Éléments de rythmanalyse: Introduction à la connaissance des rythmes, 1992, avec Catherine Regulier-Lefebvre, préface de René Lourau, Syllepse
De la sociologie rurale à l'urbanisme
Par la suite, il s'est occupé plus particulièrement des problèmes d'urbanisme et de territoire, présentant la ville comme le cœur de l'insurrection esthétique contre le quotidien. Pour lui, l'être humain a des besoins sociaux anthropologiques qui ne sont pas pris en compte dans les réflexions théoriques sur la ville et notamment en urbanisme. Le besoin d'imaginaire est oublié par l'urbanisme et ne se retrouve pas dans les équipements commerciaux et culturels mis en place. Face aux problèmes urbains, il formule notamment la nécessité de l'affirmation d'un nouveau droit, le droit à la ville. Il définit ce nouveau droit comme un droit à la vie urbaine, à une qualité de vie urbaine. Dans son dernier livre, La Production de l'espace, il met en valeur l'importance de l'espace qui est toujours politique. L'espace est le produit de la société, chaque société et valeur doit produire son espace et c'est aussi dans l'espace que s'opposent les valeurs à travers les épreuves de l'espace.
La vallée de Campan : étude de sociologie rurale, PUF, 1963
Pyrénées, 1966
Le Droit à la ville. I, 1968 (2e édition)
Le Droit à la ville. II, Espace et politique, 1972
Architecture et sciences sociales, 1970, séminaire à Port Grimaud, Groupe de sociologie urbaine de Paris X-Nanterre, polygraphie par Léonie Sturge-Moore.
La proclamation de la Commune (1965)
Malgré l'œuvre inaboutie de la Commune, ses échecs militaires ou ses contradictions idéologiques, Henri Lefebvre la décrit comme un moment unique de « révolution totale » à l'héritage immense : transformation de la vie quotidienne, critique radicale de l’État et « suprême tentative de la ville pour s’ériger en mesure et norme de la réalité humaine », elle est aussi pour lui « la plus grande fête du siècle et des temps modernes »,.
Publications
1925 : Positions d'attaque et de défense du nouveau mysticisme, Philosophies 5-6 (March), p. 471-506
1934 : avec Norbert Guterman, Morceaux choisis de Karl Marx, Paris, NRF (nombreuses rééditions)
1936 : avec Norbert Guterman, La Conscience mystifiée, Paris, Gallimard (nouvelle édition. Paris, Le Sycomore, 1979)
1937 : Le Nationalisme contre les nations (préface de Paul Nizan) Paris, Éditions sociales internationales (réimpr. Paris, Méridiens-Klincksliek, 1988, coll. « Analyse institutionnelle », présentation Michel Trebitsch, postface Henri Lefebvre)
1938 : Hitler au pouvoir, bilan de cinq années de fascisme en Allemagne, Paris, Bureau d'Éditions
1938 : avec Norbert Guterman, Morceaux choisis de Hegel, Paris, Gallimard (3 rééditions 1938-*1939, reprinted Collection Idées, 2 Vols. 1969)
1938 : avec Norbert Guterman, Cahiers de Lénine sur la dialectique de Hegel, Paris, Gallimard
1940 : Le Matérialisme dialectique, Paris, Presses universitaires de France
1946 : L'Existentialisme, Paris, Éditions du Sagittaire
1947 : Logique formelle, logique dialectique, vol. 1 de À la lumière du matérialisme dialectique Écrit en 1940-41 (2e volume censuré). Paris, Éditions sociales
1947 : Marx et la Liberté Éditions des Trois Collines, Genève
1947 : Descartes, Paris, Éditions Hier et Aujourd'hui
1950 : Knowledge and Social Criticism, Philosophic Thought in France and the USA Albany N.Y.: N.Y.; State University of New York Press. p. 281-300. (2nd ed. 1968)
1953 : Contribution à l'esthétique, Éditions Sociales, collection Problèmes, Paris
1956Une philosophie de l'ambiguïté in Mésaventures de l’anti-marxisme – Les malheurs de M. Merleau-Ponty (ouvrage collectif), Paris, Éditions Sociales, 1956; p. 99-106.
1957 : Pour connaître la pensée de Lénine, Éditions Bordas, Paris
1958 : Problèmes actuels du marxisme, Paris, Presses universitaires de France, 4e édition, 1970, coll. « Initiation philosophique »
1971 : Au-delà du structuralisme, Paris, Anthropos
1972 : La Pensée marxiste et la ville, Paris, Tournai, Casterman, coll. « Mutations.Orientations »
1973 : La Survie du capitalisme. La reproduction des rapports de production, Paris, Anthropos ; troisième édition publiée par Anthropos en 2002 avec une préface de Jacques Guigou et une postface de Rémi Hess
1973 : La Somme et le Reste (réédition du second volume paru en 1959, augmentée d'une préface de l'auteur), Paris, Bélibaste
1974 : La production de l'espace, Anthropos, 1974
1974 : avec Leszek KołakowskiEvolution or Revolution, F. Elders ed. Reflexive Water: The Basic Concerns of Mankind, London: Souvenir. p. 199-267
1975 : Hegel, Marx, Nietzsche, ou le royaume des ombres, Paris, Tournai, Casterman, coll. « Synthèses contemporaines »
1975 : Le Temps des méprises : Entretiens avec Claude Glayman, Paris, Stock
1978 : avec Catherine Régulier La révolution n'est plus ce qu'elle était, Paris, Éditions Libres-Hallier (German trans. Munich, 1979).
1978 : Les contradictions de l'État moderne, La dialectique de l'État, Vol. 4 de 4 De l'État, Paris, UGE, coll. « 10/18 »
1981 : Critique de la vie quotidienne, III. De la modernité au modernisme (Pour une métaphilosophie du quotidien) Paris, L'Arche
1981 : De la modernité au modernisme: pour une métaphilosophie du quotidien, Paris, L'Arche, coll. « Le sens de la marche »
1985 : avec Catherine Régulier-Lefebvre, Le Projet rythmanalytique Communications 41, p. 191-199
1986 : Lukacs 1955 suivi de Patrick Tort, Être marxiste aujourd'hui, Paris, Aubier, 1986, réédition 1992, 152 pp.
1988 : Toward a Leftist Cultural Politics: Remarks Occasioned by the Centenary of Marx's Death, D. Reifman trans., L.Grossberg and C.Nelson eds. Marxism and the Interpretation of Culture, Urbana: University of Illinois Press.; New York, Macmillan. p. 75-88
1990 : Du contrat de citoyenneté, avec le Groupe de Navarrenx (Armand Ajzenberg, Lucien Bonnafé, Katherine Coit, Yann Couvidat, Alain Guillerm, Fernando Iannetti, Guy Lacroix, Lucia Martini-Scalzone, Serge Renaudie, Oreste Scalzone), Editions: Syllepse et Périscope 1990.
1991 : The Critique of Everyday Life, Volume 1, John Moore trans., London: Verso. Originally published 1947
1991 : avec Patricia Latour et Francis Combes, Conversation avec Henri Lefebvre P. Latour and F. Combes eds., Paris, Messidor, coll. « Libres propos »
1991 : The Production of Space, N. Donaldson-Smith trans., Oxford: Basil Blackwell. Originally published 1974
1992 : avec Catherine Regulier-Lefebvre Éléments de rythmanalyse: Introduction à la connaissance des rythmes, préface de René Lourau, Paris, éd. Syllepse, coll. « Explorations et découvertes »
1995 : Introduction to Modernity: Twelve Preludes September 1959-May 1961, J. Moore, trans., London, Verso. Originally published 1962
1996 : Writings on Cities, E. Kofman and E. Lebas trans. and eds., Oxford, Basil Blackwell
2014: Les Communautés paysannes pyrénéennes, thèse soutenue en Sorbonne, en 1954. éditions: Cercle historique de l'Arribère - Navarrenx
↑Frédérique Matonti, Intellectuels communistes, La Découverte, 2005, p. 42.
↑Henri Lefebvre, Le temps des méprises, Paris, Stock, , 256 p., p. 89
↑Bernard Ravenel, « Les origines du MCAA », Alerte atomique, numéro spécial - bilan, no Supplément au 147 « 33 ans d'actions et de réflexions... du MCAA... au MDPL », 1er trimestre 1997, p. 4.
↑"La sociologie nanterrienne « autour de 68 ». Entre expertise et contestation", par Christelle Dormoy-Rajramanan, dans la Revue d'anthropologie des connaissances en 2018
↑Vincent Cespedes, Mai 68, La philosophie est dans la rue ! (Larousse, coll. « Philosopher », 2008).
↑Henri Lefbvre, entretien avec Hervé volkman et Marc de Smedt, « La porte de l'avenir », Planète, avril / mai 1972, p. 7-13 et 113
↑Łukasz Stanek in Henri Lefebre,Toward an Architecture of Enjoyment, L. Stanek ed., R. Bononno trans. (Minneapolis, University of Minnesota Press), p. xv.
↑En particulier :
-H. Lethierry, Penser avec Henri Lefebvre, Chronique sociale
-L. Costes, Le droit à la ville d'Henri Lefebvre, Ellipse
-S. Deulceux et R. Hess, Henri Lefebvre, vie, œuvres, concepts, Ellipse
↑E. M., « Review of Autour du marxisme. Le marxisme (coll. « Que sais-je? »); La pensée de Karl Marx; Critique de la vie quotidienne », Esprit (1940-), no 148 (9), , p. 423–426 (ISSN0014-0759, lire en ligne, consulté le )
Remi Hess, Henri Lefebvre et la pensée du possible, Théorie des moments et construction de la personne, Paris, Anthropos, 2009, XX + 688 p.
Lukasz Stanek, « Henri Lefebvre on Space. Architecture, Urban Research, and the Production of Theory », Minneapolis: University of Minnesota Press, 2011
Armand Ajzenberg, Hugues Lethierry et Leonore Bazinek, Maintenant Henri Lefebvre. Renaissance de la pensée critique, Paris, L'Harmattan, 2011
François Provenzano, « Exceptions intellectuelles, ou comment Jean Borie et Henri Lefebvre ont évité le structuralisme », Études françaises, vol. 47, no 1, , p. 59-73 (lire en ligne)
Hugues Lethierry (dir.), Sauve qui peut la ville, Paris, L'Harmattan, 2011
Hugues Lethierry (dir.), Agir avec Henri Lefebvre, Lyon, Chronique sociale, 2015
Dylan Simon, « Une plaidoirie académique. Henri Lefebvre proteste contre son exclusion du CNRS », Revue d’histoire des sciences humaines, n° 42, 2023, pp. 179-196 : RHSH