Cet article cherche à aborder différents aspects liés à Matériau à changement de phase (thermique), dans le but de fournir au lecteur une vision holistique de ce sujet. Dans cette optique, l'importance de Matériau à changement de phase (thermique) dans diverses sphères sera analysée, ainsi que ses implications dans la société actuelle. Différentes perspectives et approches seront explorées pour bien comprendre la pertinence de Matériau à changement de phase (thermique), ainsi que son impact sur le monde contemporain. A travers cet article, l'objectif est de fournir un aperçu complet qui permet au lecteur de réfléchir et de se faire une opinion éclairée sur Matériau à changement de phase (thermique).
Un matériau à changement de phase, ou MCP, est un matériau capable de changer d'état physique dans une plage de température située entre 10 °C et 80 °C environ. Dans cet intervalle de température, le changement de phase prépondérant reste la fusion/solidification. Ces températures sont accessibles naturellement et sont omniprésentes dans la vie quotidienne (température d'ambiance d'une maison, température d'un corps humain, de l'eau chaude sanitaire, etc.).
Cet article n'aborde que les MCP dont le changement d'état se situe entre les phases liquides et solides.
Tout matériau, solide, liquide ou gazeux possède une capacité à absorber, stocker ou céder de l'énergie sous forme de chaleur. On distingue deux types de transfert de chaleur (ou transfert thermique) :
Les quantités d'énergie mises en jeu dans le processus de changement de phase sont bien plus importantes que celles qui interviennent lors de transferts sensibles (dans la mesure où l'on travaille sur des intervalles restreints de températures). Cette caractéristique permet de réduire considérablement le volume d'un élément de stockage d'énergie (donc d'augmenter sa compacité) ou d'augmenter très fortement la quantité d'énergie contenue dans un même volume de stockage (donc d'augmenter sa densité énergétique).
D'autre part, un MCP peut cumuler les deux types de transferts thermiques décrits précédemment.
Exemple :
Nom | Acétate de sodium trihydraté |
---|---|
Tfusion | 55 à 58 °C |
Lf | 242,85 × 103 J/kg |
Cpsolide | 3,31 × 103 J kg−1 K−1 à 30 °C |
Cpliquide | 3,06 × 103 J kg−1 K−1 à 70 °C |
ρliquide | 1 279 kg/m3 à 70 °C |
ρsolide | 1 392 kg/m3 à 30 °C |
L'énergie E30-70 accumulée par 1 m3 de ce MCP entre 30 °C et 70 °C vaut :
Sur le même intervalle de température, le même volume d'eau (1 m3) accumulerait une quantité Eeau30-70 :
Le MCP considéré a donc permis de stocker plus de trois fois plus d'énergie pour un même volume. Il possède donc une plus grande densité énergétique.
De la même manière, pour stocker 100 kWh de 55 à 58 °C, on a besoin des volumes Veau et VMCP suivants :
Le volume du MCP utilisé pour stocker 100 kWh entre 55 °C et 58 °C est donc plus de 26 fois plus petit que celui de l'eau. Il possède donc une plus grande compacité.
Le caractère isotherme ou quasi isotherme de la charge et de la décharge énergétique d'un MCP permet son utilisation en tant que régulateur de température dans un matériau thermorégulant. En effet, si l'on intègre ce MCP dans un enduit, par exemple à l'enveloppe (murs extérieurs, plancher, plafond, etc.) d'un bâtiment, il peut stocker de la chaleur quand elle est surabondante (été) ou présente au mauvais moment (dans la journée l'hiver).
Par ailleurs, tout MCP peut servir de « déphaseur thermique »? Tout apport ou perte énergétique (variation de température, rayonnement solaire, etc.) en provenance du milieu peut provoquer la fusion ou la cristallisation du matériau à température quasi constante. Dès lors, le milieu situé de l'autre côté du MCP ne ressent pas aussitôt l'effet de cet apport ou de cette perte, mais ne commencera à le ressentir qu'après la fusion ou la cristallisation totale du matériau.
Les MCP, grâce à leur grande variété possèdent des températures de fusion différentes. Ces dernières balayent la totalité de la zone de température restrictive dans laquelle nous nous sommes placés initialement. Cela permet, par exemple, de choisir des températures de fusion proches de 19 °C et 27 °C, respectivement températures limites de confort hivernal et estival. Le paragraphe suivant présente un tableau non exhaustif de différents matériaux à changement de phase, accompagnés de leur température de fusion et autres données techniques.
Il existe de nombreux types de matériaux à changement de phase, de nature physico-chimique très différente les uns des autres. Ce sont leurs caractéristiques de fusion-cristallisation qui les rendent intéressants pour le stockage de chaleur latente. Parmi ces matériaux, on distingue les trois grandes familles suivantes :
Nom | Tfusion (°C) |
Lf (kJ/kg) |
Cpsolide (kJ kg−1 K−1) |
Cpliquide (kJ kg−1 K−1) |
ρ solide (kg/m3) |
ρ liquide (kg/m3) |
---|---|---|---|---|---|---|
Composés organiques | ||||||
Acide formique | 8,3 | 247 | ? | 0,099 | ? | 1 220 |
Acide acétique | 16,7 | 194 | ? | ? | 1 266 | 1 049 |
Phénol | 40,8 | 120 | ? | ? | 1 070 | ? |
Acide dodécanoïque | 41-43 | 211,6 | 1,76 | 2,27 | 1 007 | 862 |
Acétate de sodium trihydraté | 55-58 | 242,85 | 3,31 à 30 °C | 3,06 à 70 °C | 1 392 à 30 °C | 1 279 à 70 °C |
Composés inorganiques | ||||||
Eau (H2O) | 0 | 330 | 2,06 à 0 °C | 4,186 à 20 °C | 917 à 0 °C | 998 à 20 °C |
Hydroxyde de sodium (NaOH) | 318 | 272,15 | 1,88 à 30 °C | 2,18 à 70 °C | 1 720 à 30 °C | 1 670 à 70 °C |
Acide sulfurique (H2SO4) | 10,4 | 100 | ? | ? | ? | 1 838 |
Trioxyde de soufre (SO3) | 16,9 | 108 | ? | 0,024 | ? | 1 920 |
Acide phosphorique (H3PO4) | 26,0 | 147 | ? | ? | 1 834 | 1 685 |
Gallium (Ga) | 29,8 | 80 | 0,370 | ? | 5 904 | 6 095 |
On peut néanmoins noter la dangerosité de certaines de ces substances.
Par exemple, le trioxyde de soufre réagit, entre autres, violemment avec l'eau pour former de l'acide sulfurique (un acide fort et un polluant majeur) tout en dégageant une chaleur importante.
Le principal problème lié à l'utilisation de l'énergie solaire thermique concerne son stockage : la production d'eau chaude sanitaire (ECS) via la circulation d'eau au-travers de panneaux solaires est directement dépendante de l'ensoleillement. Cet apport énergétique a lieu que l'on en ait besoin (bénéfique) ou non (perte énergétique par surabondance). L'utilisation de MCP pour le stockage de cette énergie par chaleur latente permettrait de résoudre en partie ce problème :
Le principal problème de stockage de l'énergie au sein d'un ballon d'ECS solaire est l'absence de stratification (l'intégralité du volume d'eau chaude contenue dans le ballon n'est que rarement prélevée en une seule fois) : le volume d'eau à l'intérieur du ballon a tendance à homogénéiser sa température lors de son retour et de son départ vers les panneaux. Une fois une température trop basse atteinte (par exemple 40 °C), il n'est plus possible d'utiliser cette eau pour le circuit d'ECS. Pourtant, il suffit que cette chaleur soit « mieux répartie » pour que l'on puisse encore puiser de l'eau à une température convenable (un ballon de 100 L à 40 °C contient la même quantité d'énergie que deux ballons de 50 L aux températures respectives de 30 °C et 50 °C).
L'utilisation de MCP permet alors la création de « couches stratifiées » dont les températures se situeront aux environs des températures de fusion des différents matériaux utilisés. Ainsi, un puisage intermittent ou ponctuel d'ECS entraîne la baisse de température de la partie haute du ballon (cf. schéma) dépourvue de nodules (=capsules) de MCP. En revanche, un puisage plus long entraîne l'utilisation de l'énergie contenue dans les couches inférieures du ballon, c'est-à-dire de la chaleur latente contenue dans les nodules. Ceux-ci se solidifient si nécessaire et cèdent ainsi leur énergie à l'eau de ville en la réchauffant.
Certaines entreprises comme Dupont de Nemours proposent des panneaux d'inertie thermique incorporant un mélange MCP-polymère. Ces panneaux sont généralement recouverts d'une feuille d'aluminium qui leur apporte de la rigidité structurelle et joue éventuellement le rôle de pare-vapeur métallisé dans le cas où ces panneaux seraient utilisés dans l'enveloppe du bâtiment.
L'utilisation de tels matériaux présente un double intérêt :
Ainsi, en choisissant un MCP dont la température de fusion est de 20 °C ou 21 °C, et en précisant que la température de consigne de chauffage pour un logement individuel est de 19 °C maximum, nous pourrons accumuler de la chaleur dans les panneaux de MCP grâce au rayonnement solaire traversant les ouvertures (fenêtres, baies vitrées), sans pour autant consommer davantage de chauffage ni élever la température de la pièce. Cette chaleur pourra ainsi être restituée durant la nuit, dès que la température du bâtiment descendra en dessous de la température de solidification du MCP.
Développés depuis maintenant plusieurs années par la recherche spatiale aux États-Unis, les MCP font depuis peu leur apparition dans l'industrie textile. Le but recherché est de réguler de manière passive la température corporelle en fonction de la température du milieu. Il devient alors particulièrement important de trouver des matériaux dont les températures de fusion et de cristallisation sont très proches de la température superficielle du corps humain.
Les matériaux utilisés pour ce genre d'applications sont généralement des paraffines, un matériau organique à chaîne carbonée linéaire, contenant une combinaison d'eicosane, d'octadécane, de nonadécane, d'heptadécane et d'hexadécane. Ces différents composés possèdent tous des températures de changement de phase différentes mais, une fois mélangés et encapsulés, ils se maintiennent à une température moyenne de 30 à 34 °C, ce qui devient très confortable pour le corps humain.
L'utilisation de ces textiles peut se faire dans des domaines tels que :
Bien que présents dans le commerce depuis quelques années maintenant, les MCP restent des technologies moins abordables que les isolants classiques, notamment en ce qui concerne leur utilisation dans l'habitat. Néanmoins, le surcoût généré à l'investissement peut se retrouver rapidement amorti grâce aux économies d'énergie réalisées, comme le démontre une étude de l'INSA de Lyon sur un produit déjà commercialisé, dont le temps de retour sur investissement est d'environ huit ans.
La surfusion correspond à l'état liquide d'un corps alors que sa température est inférieure à la température de cristallisation. Elle n'apparaît que pour certains types de MCP comme les matériaux inorganiques. Les solutions pour remédier à ce problème sont multiples :
La surfusion empêche l'utilisation de la chaleur latente de changement de phase à la température voulue.
Les vitesses de cristallisation des MCP sont relativement faibles. S'il faut trop de temps au matériau pour accumuler ou libérer de l'énergie, celui-ci perd alors en efficacité dans les applications pratiques (incapacité à « lisser » les pics de températures par exemple).
Mais cette cinétique peut être améliorée par l'introduction de solvants à forte polarité et à forte constante diélectrique au sein du MCP. Ces solvants permettent d'abaisser les tensions superficielles au niveau des interfaces liquide/solide.
Lors du changement de phase du MCP, l'échange thermique a lieu à l'interface solide/liquide. Lorsque le front de solidification ou de fusion se déplace, il laisse derrière lui une nouvelle phase (solide ou liquide) que le flux thermique doit traverser avant d'atteindre le front en question. Plus l'épaisseur de cette phase est importante et plus la résistance thermique qu'elle engendre est grande.
Malheureusement, les MCP ont une conductivité thermique assez faible (de l'ordre de 0,15 W m−1 K−1) ce qui empêche d'ores et déjà un bon transfert thermique. Ce phénomène est alors amplifié par l'épaisseur de la phase à traverser. Il faut donc, si l'on souhaite limiter ces phénomènes de résistance dus au déplacement du front thermique, faire en sorte que l'épaisseur à traverser soit la plus petite possible. C'est pour cela que l'on utilise souvent des micro-capsules sphériques qui changent facilement de phase sur l'ensemble de leur volume.
L'encapsulation semble être une bonne solution au confinement des MCP. En effet, lorsque ce dernier est à l'état liquide, il n'a plus de tenue physique et nécessite un contenant. La difficulté technologique consiste à maximiser les échanges thermiques par tous les moyens (en choisissant de bons conducteurs thermiques pour la fabrication des capsules par exemple).
Selon le CSTB, les MCP utilisés dans l'habitat auraient une durée de vie égale ou supérieure à celle des bâtiments actuels.
Les MCP étant très diversifiés et peu utilisés à l'heure actuelle, on comprend que peu d'études systématiques aient été faites au sujet de leur impact sanitaire et des risques qu'ils représentent.