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L’hendiadys, hendiadyn, hendiadyin ou hendiadyoïn (n.m., de l'expression grecqueἓν διὰ δυοῖν / hèn dià duoîn, « un en deux ») est une figure de rhétorique qui consiste à remplacer la subordination ou la détermination qui solidarise deux mots, par une relation de coordination ou toute autre dissociation syntaxique. Il se rencontre le plus souvent avec le remplacement de deux mots inclusifs, ou d’un substantif et son épithète, par deux substantifs coordonnés.
Étymologie
Les diverses graphies viennent de la forme du duel grec : « δυοῖν ». Et ce mot vient de la locution grecque « ἓν διὰ δυοῖν » (hèn dià duoîn) qui signifie « un au moyen de deux ».
La figure
L’hendiadyoïn régit un rapport de contiguïté ou d’inclusion et sert généralement dans le langage actuel à ralentir une expression de la pensée en dissociant une même chose sous deux aspects bien distincts. Il permet d’étirer le sens de cette expression qu’une association de mots rendrait trop concentrée, trop immédiate. Molinié la classe parmi les figures microstructurales, celles attachées aux mots stricts employés.
Cette figure, qui se rencontre fréquemment dans des textes assez anciens, est longtemps passée inaperçue. Elle apparaît abondamment et naturellement chez les Grecs et les Latins. « L’hendiadys consiste à coordonner grammaticalement deux noms dont l’un devrait être logiquement subordonné à l’autre parce que exprimant deux aspects d’une même notion ».
Elle est ignorée par Pierre Fontanier, comme des traités de rhétorique et des dictionnaires français jusqu’à l’orée du XXe siècle : en 1902, selon le Trésor de la Langue française. Elle nous viendrait peut-être de la philologie allemande ou anglaise, d’après Kliebenstein et Berthier.
Un procédé des langues anciennes
Elle apparaît une figure typique de la syntaxe latine, et Virgile, qui déclare au début de l’Énéide « arma virumque cano » (« Je chante les faits d’armes de ce héros »), en a fréquemment usé.
Exemple canonique
« Magnis pollicitationibus atque praemiis »
(Par des promesses de grandes récompenses)
Citations
« Tum Danai, gemitu atque ereptae virginis ira… (Dans un cri de colère…) »
Henri Morier indique dans son exemple que la phrase remplace : « j’ai connu la probité de cet homme », la qualité ayant pris alors du poids, substantivée par la coordination. Cette figure exprime une expérience : l’on a connu un homme et sa fréquentation a permis de reconnaître sa probité. Ce qui peut se traduire par « J’ai bien connu cet homme et j’ai pu m’apercevoir qu’il était honnête. »
« L’oiseau s’élance à travers l’espace et la limpidité »
l’hendiadyoïn dissocie encore l’effet en deux temps: d’abord l’oiseau prenant son essor dans le ciel, dont on remarque, alors, les yeux levés, la clarté et la limpidité.
« L’enfant en rentrant dut subir son père et ses réprimandes »
le fait de séparer les termes a, de même, l'effet de répartir le récit en deux tableaux : d’abord affronter le père au visage sévère, ensuite entendre la réprimande.
« Il n’est cependant pas toujours facile d’identifier cette figure et la part d’interprétation subjective est grande dans ce domaine ». Certaines figures oscillent, en effet, entre hendiadyoïn et hyperbate.
Tandis que l’hendiadyoïn éclaire une idée sous deux angles, l’hyperbate ajoute une idée adjacente à une idée précédente pour l’amplifier ou en élargir la vision :
Avez-vous quelquefois, calme et silencieux,
Monté sur la montagne, en présence des cieux ?
Était-ce aux bords du Sund ? aux côtes de Bretagne ?
Aviez-vous l'océan au pied de la montagne ?
Et là, penché sur l'onde et sur l'immensité,
Calme et silencieux, avez-vous écouté ?
la figure porte sur le détachement des deux mots « onde et immensité ». À traduire par « l’immensité de l’onde », si c’est un hendiadyoïn. Mais le poète nous fait comprendre davantage car cette « immensité » apparaît rapidement « plus importante » que celle de « l’eau ». L’hyperbate n’est donc pas exclue puisqu’à partir de sa vision en altitude, le poète a donné tout de suite au décor une dimension grandiose en l’élargissant à la montagne, à l’océan, aux cieux. Il tourne sa pensée vers une méditation profonde (écouter), voire métaphysique, qui embrasse tout l’univers, gardant l’esprit recueilli, « calme et silencieux ».
Expression de Stendhal:
« Si Dieu existait, et bon »
à partir de la collocation « Bon Dieu », Berthier et Bordas discernent ici « une dissociation proche de l’hendiadys ». De fait, si l’on part de ce syntagme usuel formulé en forme d’inclusion, l’expression stendhalienne tiendrait plutôt de l’hendiadyoïn ; mais, à première lecture, on pense à l’élargissement d’une hyperbate : Dieu ne doit pas se contenter d’exister mais il se doit aussi d’être bon.
dans cet exemple, avec le mot « étourdissement » qui rallie les deux termes suivants, l’hendiadyoïn joue à plein son rôle classique: le poète obtient une concision frappante par ellipse : la sève qui monte et qui permet la croissance.
L’emploi de l’hendiadyn décrit parfois avec pertinence un état psychologique :
il n’y a pas réelle contiguïté ou inclusion entre « cœur » et « moi » puisque l'un des vocables est placé sur le plan figuré : le cœur est ici le siège de la passion, laquelle aliène bientôt la personne physiologique tout entière (la « cristallisation » stendhalienne, en quelque sorte).
L’hendiadyn impose tout autant une progression psychique, comme dans l’exemple suivant :
César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue, Impr. de Delalain, (réimpr. Nouvelle édition augmentée de la Construction oratoire, par l’abbé Batteux), 362 p. (ASINB001CAQJ52, lire en ligne).
Catherine Fromilhague, Les Figures de style, Paris, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », 2010 (1re éd. nathan, 1995), 128 p. (ISBN978-2-2003-5236-3).
Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, Paris, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies d’aujourd’hui », , 350 p. (ISBN2-2531-3017-6).
Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Armand Colin, , 228 p., 16 cm × 24 cm (ISBN978-2-2002-5239-7).
Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Premier cycle », , 256 p., 15 cm × 22 cm (ISBN2-1304-3917-9).
Hendrik Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutmanet al., Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Honoré Champion, , 533 p. (ISBN978-2-7453-1325-6).